Quel est le niveau de résilience alimentaire du Pays Rochois?

CRATer (Calculateur de Résilience Alimentaire des Territoires) est un outil pour calculer la résilience alimentaire de son territoire. Nous nous sommes intéressé.es aux résultats de la Communauté de Communes du Pays Rochois (9 communes) pour évaluer dans quelle mesure notre territoire est capable d’assurer notre sécurité alimentaire. Quatre thèmes sont étudiés:

  • l’adéquation entre production et besoins
  • les pratiques agricoles
  • la population agricole
  • la politique foncière

Avant de rentrer dans les détails voici le résumé du diagnostic de notre système alimentaire. Pas folichon… une moyenne de 3/10 sur l’ensemble des thématiques avec notamment, bien que ce ne soit pas une énorme surprise, une note de 2/10 en ce qui concerne la politique foncière. Tous les détails sur la méthodologie sont accessibles en suivant ce lien.

Rentrons maintenant dans les détails thème par thème:

Adéquation entre production et besoins: production insuffisante pour couvrir les besoins (note 4/10)

Le graphique ci-dessous montre à gauche la production dans la CCPR de l’ordre de 3’800 hectares et à droite les besoins, basés sur l’alimentation actuelle, qui s’élèvent à 10’700 hectares.

Notre production est principalement axée sur les fourrages (près de 91%). Les céréales complètent la production avec près de 8% de la surface. De l’autre côté, au niveau des besoins, les fourrages nécessitent plus de 7’500  hectares (70%) et les céréales 1’760 hectares. Au niveau des besoins, notons les 210 hectares de fruits et légumes.

Le prochain diagramme met en regard la production, avec la part des besoins nécessaires à l’alimentation humaine et la part des besoins nécessaires à l’alimentation animale. Le constat est surprenant. Dans nos esprits, il semble impossible d’allouer tant de terre pour la production de fruits et légumes compte tenu du fait que les éleveurs de notre territoire bénéficient de l’avantage d’une appellation d’origine contrôlée pour la production du reblochon. Et pourtant, quand on voit ce diagramme, on se rend compte qu’il suffirait de 210 ha pour couvrir les besoins de l’alimentation humaine en fruits et légumes, à savoir seulement 5.5% des terres agricoles de la CCPR!

Pratiques agricoles: part de surface agricole utile en BIO quasi nulle (note 3/10)

Le diagramme suivant évalue la part de surface agricole labellisée Agriculture Biologique. L’agriculture biologique répond à un cahier des charges qui incorpore plusieurs pratiques agroécologiques et fait l’objet d’un suivi régulier. La mesure de son niveau de diffusion sur les territoires est donc un élément intéressant dans le diagnostic des pratiques agricoles.

Le constat est sans appel: difficile de faire pire. Seulement 0.22% de la surface agricole utile est cultivée en bio. La moyenne française est … 36 fois plus élevée!!! Oui, vous avez bien lu, 36 fois plus. C’est désastreux quand on sait que l’adoption massive de pratiques agroécologiques est impérative pour renforcer la résilience alimentaire, et enrayer la dégradation et l’homogénéisation de la faune et de la flore. L’intensification sans précédent de l’agriculture se manifeste aujourd’hui par un environnement profondément dégradé, une dépendance élevée à de nombreux intrants (différents produits apportés aux terres et aux cultures, qui ne proviennent ni de l’exploitation agricole, ni de sa proximité. Les intrants ne sont pas naturellement présents dans le sol, ils y sont rajoutés pour améliorer le rendement des cultures) et une grande spécialisation des systèmes agraires. Alors que les pratiques agricoles constituent une grande force d’évolution des paysages et de la biodiversité, il semblerait que l’agriculture BIO ait été complètement délaissée par nos politiques jusqu’à aujourd’hui.

Population agricole: en proportion plus faible que la moyenne française et en déclin (note 3/10)

Entre 1988 et 2018, la population active agricole a été divisée par deux en France. La profession, qui représente aujourd’hui moins de 3 % des actifs et 1 % de la population totale, est vieillissante et peine à se renouveler. La France comptera encore un quart d’agriculteurs en moins d’ici une dizaine d’années si rien n’est fait pour freiner la tendance, alors que la transition vers un système alimentaire résilient nécessite des fermes plus nombreuses et avec plus de main d’œuvre.

Dans le Pays Rochois, la chute est vertigineuse: -72% entre 1988 et 2010. Nos agriculteur.rices ont besoin du soutien des politiques pour s’en sortir et pour faire naître des vocations pour reprendre et transformer les exploitations existantes.

Politique foncière: la surface agricole par habitant est trop faible et l’objectif de Zéro Artificialisation Nette n’a pas été atteint entre 2011 et 2016 (note 2/10)

Entre 2011 et 2016, ce sont 81 ha de terre qui ont été artificialisés soit près d’un terrain de foot par semaine! Souvenez-vous, il nous “suffit” de 210 ha de terres dédiés à la production de fruits et légumes pour satisfaire les besoins humains. Cela signifie que si ces 81 ha avaient été alloués à la culture de fruits et légumes, nous aurions comblé près de 40% de notre retard en seulement 5 ans! Le rythme d’artificialisation est très largement supérieur à la moyenne française (4,2 fois supérieur). Ainsi la politique de préservation des terres agricoles doit être très renforcée, et ce d’autant plus que la surface agricole utile par habitant est largement insuffisante.

Mention spéciale à la commune de Saint-Pierre-en-Faucigny qui voit son rythme d’artificialisation exploser avec une moyenne 7,4 fois supérieure à la moyenne nationale! Ceci dit, rien de bien étonnant quand on voit la bétonisation à l’œuvre dans cette commune qui convertit des dizaines d’hectares de zones agricoles en lotissements, zones d’activités économiques ou autres…

Pour conclure, nous suggérons à nos élu.es, nos technicien.nes de la Communauté des Communes et des mairies, de consulter ce remarquable outil qui permet de se rendre compte de l’état catastrophique dans lequel les politiques ont façonné notre territoire. Nous ne cessons de le répéter, cet outil réalisé par des expert.es (Solagro, le BASIC) en atteste. Mais il n’est pas trop tard, les outils et les solutions existent. Chez Pays Rochois En Transition, nous recommandons par exemple la création d’un Projet Alimentaire Territorial, outil servant de guide pour panser les plaies de notre territoire avec une vision long terme de ce sujet crucial qu’est l’agriculture et l’alimentation. L’outil CRATer, dont tous ces graphiques sont extraits, regorge aussi de leviers d’action. Enfin, le Pacte pour la Transition signé par M. Georget Maire de La Roche-sur-Foron et président de la Communauté de Communes du Pays Rochois, propose d’autres solutions dont vous trouverez tous les détails dans cette rubrique de notre site. Finissons ce constat avec un proverbe amérindien fort à propos: “Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été péché, alors on saura que l’argent ne se mange pas.”

 

Sources:

Les Greniers d’Abondance (2020) Vers la résilience alimentaire. Faire face aux menaces globales à l’échelle des territoires. Première édition, 175 pages.